Le travail à domicile et le télétravail dans la législation actuelle et ses lacunes
Călin Haiduc, Avocat Collaborateur du cabinet Iordăchescu & Associés
Compte tenu des effets de la pandémie causée par le virus COVID-19, de plus en plus d’employeurs ont été contraints d’adopter des mesures modifiant les relations de travail afin de respecter la distanciation sociale. Les mesures recommandées par le Ministère du travail et de la protection sociale comprennent le déplacement temporaire du lieu de travail au domicile de l’employé ou l’exercice d’une activité de télétravail. Par conséquent, une grande partie des employeurs ont choisi de convenir avec les employés que ces derniers travailleraient à domicile.
Le travail à domicile
L’article 108 de la loi nr. 53/2003 sur le Code du travail (ci-après « Code du travail ») réglemente le statut des employés qui effectuent un travail à domicile, en établissant qu’il s’agit de ces employés qui exercent à leur domicile les activités spécifiques à la profession qu’ils exercent. Parmi les particularités du travail à domicile figure le fait que le salarié définit ses propres horaires de travail, conformément au paragraphe 2 du même article.
En règle générale, l’employeur doit déterminer l’exécution du travail à domicile en accord avec le salarié. Le contrat individuel de travail à domicile est conclu par écrit et doit comporter, outre les clauses générales prévues à l’article 17 du Code du travail, les éléments prévus à l’article 109 de la même loi, à savoir :
- l’indication expresse que l’employé travaille à domicile ;
- l’horaire pendant lequel l’employeur a le droit de contrôler l’activité de son salarié et la manière concrète d’effectuer le dit contrôle ;
- l’obligation pour l’employeur d’assurer le transport à destination et en provenance du domicile du salarié, le cas échéant, des matières premières et des matériaux que ce dernier utilise dans le cadre de son activité, ainsi que des produits finis qu’il fabrique.
Il est à noter que, conformément à l’article 48 du Code du travail, par exception de la règle générale, en cas de force majeure l’employeur peut décider unilatéralement que le salarié devra exercer depuis son domicile l’activité propre à sa profession ou au poste qu’il occupe. Toutefois, si une telle mesure a été ordonnée aussi longtemps que le cas de force majeure existe, ses effets cesseront avec la disparition du cas de force majeure ayant nécessité la prise de la mesure.
Télétravail
La Loi nr. 81/2018 sur la réglementation du télétravail (ci-après « Loi n ° 81/2018 ») permet à l’employeur de convenir avec le salarié, dans la mesure du possible, de l’exercice par ce dernier d’activités et de tâches spécifiques au poste, à la profession ou au métier qu’il exerce, dans un lieu autre que le lieu de travail aménagé par l’employeur. Le télétravail est défini par l’article 2 lettre a) de la Loi nr. 81/2018 comme « une forme d’organisation du travail par laquelle le salarié remplit, régulièrement et volontairement, ses attributions propres à la fonction, à l’activité ou au métier qu’il exerce, dans un lieu autre que le lieu de travail aménagé par l’employeur, au moins un jour par mois, en utilisant les technologies de l’information et de la communication. »
A noter qu’à la différence de la réglementation du travail à domicile contenue dans le Code du travail, la réglementation de la Loi n° 81/2018 implique en outre l’utilisation des technologies de l’information et de la communication par le salarié dans la réalisation d’activités spécifiques. Dans le même sens, dans le cas du régime de télétravail, le salarié peut exercer son activité spécifique à partir de tout lieu autre que celui aménagé par l’employeur, et non uniquement depuis son domicile.
L’article 5, alinéa 2 de la Loi nr. 81/2018 réglemente les clauses particulières que doit contenir le contrat individuel de travail ayant pour objet l’activité exercée en régime de télétravail, en plus de celles de l’article 17 du Code du travail. Plus précisément, il s’agit de :
- l’indication expresse que l’employé travaille en régime de télétravail ;
- la période et / ou les jours pendant lesquels le télétravailleur exerce son activité sur un lieu de travail aménagé par l’employeur ;
- le / les lieux de réalisation de l’activité de télétravail, convenus par les parties ;
- l’horaire pendant lequel l’employeur a le droit de contrôler l’activité de son salarié et la manière concrète d’effectuer le dit contrôle ;
- la manière de mettre en évidence les heures de travail prestés par le télétravailleur ;
- les responsabilités des parties convenues en fonction du / des lieu (s) d’exercice de l’activité de télétravail, y compris les responsabilités dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail conformément aux dispositions de l’art. 7 et 8 ;
- l’obligation pour l’employeur d’assurer le transport à destination et en provenance du lieu d’exercice du télétravail des matières premières et des matériaux que le télétravailleur utilise dans le cadre de son activité, le cas échéant ;
- l’obligation pour l’employeur d’informer le télétravailleur des dispositions de la législation, de la convention collective applicable et / ou du règlement intérieur, concernant la protection des données personnelles, ainsi que l’obligation du télétravailleur de se conformer à ces dispositions ;
- les mesures prises par l’employeur pour que le télétravailleur ne soit pas isolé du reste des salariés et qui lui assurent la possibilité de rencontrer régulièrement des collègues ;
- les conditions dans lesquelles l’employeur supporte les dépenses liées à l’activité de télétravail.
Avantages et inconvénients
Tant dans le cas de l’exercice de l’activité spécifique à domicile que dans le régime de télétravail, les employeurs et les employés sont confrontés, à la fois, à une série d’avantages et d’inconvénients.
En ce qui concerne les employeurs, dans les deux régimes, ils bénéficient de coûts réduits pour l’aménagement et l’entretien de l’espace destiné à l’activité des salariés. Les inconvénients, en revanche, comprennent l’absence de possibilité de contrôler concrètement le salarié, sauf dans les conditions établies d’un commun accord et avec notification préalable à cet effet.
Quant aux salariés, ils bénéficient d’une réduction des coûts et du temps perdu sur leurs trajets domicile-travail. Cependant, si le salarié travaille en régime de télétravail, ces coûts peuvent ne pas disparaître si le lieu des activités est autre que son domicile. En même temps, selon la personnalité de chaque employé, ceux-ci peuvent s’avérer plus productifs ou, au contraire, plus désorganisés.
Lacunes de la réglementation en vigueur
Des avis sur le télétravail ont été formulés dans les publications spécialisées, qui ont mis en exergue un problème pouvant survenir si l’employeur souhaite vérifier l’activité du salarié, conformément aux dispositions de l’article 5, alinéa 2, lettre d) de la Loi no. 81/2018, et que ce dernier exerce l’activité spécifique à domicile. Dans l’hypothèse où le salarié n’exprime pas son consentement pour que l’employeur entre dans son domicile, la vérification de l’activité exercée par le salarié ne peut être effectivement effectuée. Certains avocats considèrent que dans une telle situation, le salarié peut être tenu responsable, du point de vue disciplinaire ou patrimonial, par l’employeur.
A noter que même dans la situation où le salarié travaille à domicile en vertu de l’article 108 du Code du travail, la question précédente peut être soulevée. En effet, dans le contenu de l’article 109 lettre b) du Code du travail, est réglementée la possibilité pour l’employeur de vérifier l’activité exercée par le salarié, tout comme dans le cas du télétravail. Par conséquent, dans la mesure où l’employeur n’obtient pas le consentement du salarié pour entrer chez lui, le premier n’a aucun moyen à sa disposition pour contraindre le salarié à lui autoriser l’accès. La solution de sanction disciplinaire ou patrimoniale du salarié précédemment proposée peut être appliquée dans une telle hypothèse.
Cependant, nous estimons que dans le cas où l’employé exerce une activité de télétravail conformément à la Loi nr. 81/2018 il faut prendre en compte les spécificités de ce régime, découlant de la nécessité de l’utilisation par le salarié des technologies de l’information et de la communication pour la réalisation d’activités spécifiques. Par conséquent, l’employeur aura très probablement l’occasion de vérifier l’activité de l’employé également par le biais des technologies de l’information et de la communication. Une telle manière d’exercer les prérogatives de vérification de l’activité du salarié apparaît moins intrusive, tout en offrant à l’employeur la possibilité de réaliser un contrôle effectif.
Conclusion
De plus en plus de domaines d’activité, de professions, de postes ou de métiers ont évolué pour permettre au salarié d’exercer des activités spécifiques dans un autre lieu que celui habituel, aménagé par l’employeur. La technologie actuelle permet une communication en temps réel, gratuite, entre deux ou plusieurs personnes, en utilisant une connexion Internet, quelle que soit la situation géographique des personnes qui communiquent.
L’année dernière nous a montré que le travail de bureau presté à domicile, ayant pour base juridique les textes de loi présentés ci-dessus, peut être mis en œuvre avec succès dans de nombreux secteurs d’activité, où en réalité, la présence physique du salarié au travail n’est pas nécessaire. Il reste à voir dans quelle mesure ces régimes de travail seront maintenus même après la fin de la pandémie. Ce qui est certain, c’est que ces instruments juridiques ont eu le temps d’être analysés à la lumière des événements récents et d’être éventuellement améliorées à l’avenir.